Tout le monde ne parle que d’elle et veut penser à sa place. Son immense deuil est devenu celui de tout le Québec et le Canada. Je vais me faire crucifier, mais je trouve qu’on en fait un peu trop, j’éprouve un malaise devant ce déluge de mots, de couverture, de tout. J’ai l’impression qu’on lui vole son deuil, que tout le monde se l’est approprié. Trop de familiarité. Dans ces moments, la retenue et le silence est parfois préférable, tout en soulignant sa sympathie bien entendu. Qu’on ne se trompe pas, je compatis totalement et complètement avec Joannie Rochette qui vit un immense drame soudain. Mais ne l’élevons pas trop vite au rang d’héroïne de la nation. Ce n’est que les Jeux olympiques, ça reviendra, pas sa mère.
Je trouve qu’on exagère notre compassion qui est un peu égoïste. On exagère notre familiarité avec notre patineuse vedette. En même, on essaye de deviner ses besoins, de penser à sa place, certains la juge, juge sa peine, son deuil. STOP. Et on a Pierre Foglia qui souligne qu’elle devrait se débarrasser de tout le monde qui l’entoure. Ça dépend. Il a eu besoin de solitude, elle a besoin d’autres choses. Chacun sa manière. Personne sauf Joannie Rochette sait ce qu’elle ressent et ce dont elle a besoin. Arrêtons de lui mettre des mots et des pensées dans la bouche !!! (Oui je sais, peut-être qu’elle a besoin de ce déluge, je pense à sa place, et j’en parle aussi)
En même temps, pour avoir perdu mon père de manière subite, je pense (car je ne peux me mettre à sa place) qu’elle doit vivre des montagnes russes d’émotions. Mais je ne vais pas élaborer plus et comparer, car je crois que chaque personne vit son deuil de manière personnelle avec les différentes étapes (tristesse, colère, déni, acceptation qui nécessitent de 6 mois à 4 ans) . Certains ont besoin de solitude, d’autres d’être entourés. Le meilleur moyen d’aider une personne en deuil est de lui faire savoir qu’on est présent, qu’elle peut compter vraiment sur nous. J’insiste sur le mot vraiment, car parfois on lance des promesses en l’air que l’on est incapable de tenir. Surtout quand la mort frappe et que beaucoup ne savent comment réagir face à la mort et sont très mal à l’aise. Soyons naturels sans trop forcer. Et surtout ne pas oublier qu’un deuil ne se règle pas en trois semaines…
Je ne suis pas surprise de l’avoir vu livrer une excellente performance hier soir. Sa performance était superbe, mais on sentait sa tristesse immense. Ce qui m’a touché, ce sont ses larmes à la fin. Chaque personne qui a perdu un père ou une mère aura revécu son propre chagrin avec elle.
Dans ma catégorie, je peux dire que j’ai livré le texte de ma vie lorsque j’ai parlé de mon père à ses funérailles. La comparaison est sûrement boiteuse, je m’en moque. Je ne parlerai pas d’elle, je ne suis pas à sa place, alors je parle de moi, égoïstement et narcissiquement. Car les autres deuils nous ramènent toujours aux nôtres.
Je reste persuadée que mon père m’a donné le courage de le faire comme la mère de Joannie Rochette lui l’a donné hier soir. C’est inexplicable cette force qui a totalement séché mes larmes cinq minutes avant que je ne prenne la parole et qui m’a permis de m’exprimer pendant 10 minutes sans jamais avoir un sanglot dans la voix et en faisant rire l’assistance. C’est ainsi. Parfois, les larmes savent attendre.
Mais sur Twitter, ma collègue Marie-Julie Gagnon pose une bonne question. Pourquoi ce deuil nous touche tant?
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